Discours du 1er août

Voilà le dis­cours que Patrick Mori­er-Genoud, Prési­dent du Con­seil com­mu­nal d’Echal­lens, a pronon­cé devant les per­son­nes venues célébr­er la Fête nationale sur la place de la Gare du chef-lieu du Gros-de-Vaud.

Chères Chal­len­sois­es et chers Chal­len­sois, chers habi­tants du Gros-de-Vaud et d’ailleurs,

Il y a 20 000 ans, cette place sur laque­lle nous sommes réu­nis pour célébr­er la nais­sance de la Suisse, était recou­verte de plusieurs mètres de glace. Les temps changent, le temps aus­si, nous sommes aujourd’hui en plein réchauf­fe­ment cli­ma­tique, même si cela ne se ressent pas par­ti­c­ulière­ment ces jours. Si aucun d’entre nous n’était là il y a 20 000 ans – à moins qu’il n’y ait des immor­tels dans l’assistance, peut-être que cer­tains se rap­pel­lent encore que ce parc, face à la gare, était le ter­rain de foot­ball d’Echallens. Un ter­rain légère­ment en pente si mes sou­venirs sont bons, ce qui rendait une mi-temps plus pénible que l’autre, lorsqu’il fal­lait mon­ter vers le but adverse.

Depuis les années 60–70 du siè­cle dernier, c’est un chemin résol­u­ment ascen­dant que suit Echal­lens en matière de crois­sance. Entre 1960 et 1990, la pop­u­la­tion a plus que dou­blé, pas­sant de 1400 habi­tants à 3500. En 2000, nous étions 4300, aujourd’hui nous venons de pass­er la barre des 6000 habi­tant et nous serons encore plus à la fin de l’année.

Offi­cielle­ment, Echal­lens n’est pas encore une ville, mal­gré ses dif­férents quartiers, mais on voit bien que ce n’est plus un vil­lage peu­plé majori­taire­ment d’agriculteurs ; alors on dit que c’est un bourg. Mais peu importe.

Echal­lens change, c’est un fait. Les nou­veaux habi­tants arrivent avec de nou­veaux états d’esprit, des habi­tudes pris­es ailleurs, des expéri­ences, des attentes spécifiques.

Aujourd’hui, nous for­mons une com­mu­nauté hétérogène. Il y a de vieux Chal­len­sois, dont les familles sont présentes ici depuis des siè­cles, et il y en a qui sont arrivés hier. Il y a des Vau­dois, bien sûr, mais aus­si d’autres Con­fédérés. Il y a des Suiss­es à Echal­lens, mais aus­si des gens venus d’autres pays, voir d’autres con­ti­nents. Mais per­son­ne n’est plus légitime qu’un autre pour dessin­er le vis­age actuel et futur de notre bourg, pour influer sur son développement.

Il y a 732 ans, le 1er août 1291, les com­mu­nautés des val­lées d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald – ou de Nid­wald selon les ver­sions – se sont jurés un sou­tien mutuel. Et puis, au fil des siè­cles, d’autres com­mu­nautés les ont rejointes. Le can­ton de Vaud, par exem­ple, en 1803. Or, les Vau­dois ne sont pas moins suiss­es que les Uranais ou les Schwyt­zois, comme les nou­veaux arrivants ne sont pas moins Chal­len­sois que celles et ceux qui sont nés ici.

Com­ment faire pour vivre ensem­ble ? Plus la pop­u­la­tion chal­len­sois­es grandit, plus cette ques­tion se pose. Il n’y a pas qu’une seule réponse pos­si­ble, et c’est tant mieux. Nous vivons en démoc­ra­tie. Cela sig­ni­fie notam­ment que cha­cune et cha­cun peut don­ner son avis lorsqu’on le lui demande, par exem­ple lors des vota­tions, mais qu’il peut égale­ment le don­ner lorsqu’on ne le lui demande pas.

La démoc­ra­tie, à mon sens, cela ne sig­ni­fie pas tant se met­tre d’accord que d’accepter le désac­cord, que d’accepter que d’autres pensent dif­férem­ment que nous, et qu’ils ont ce droit. Cela sig­ni­fie que dire son désac­cord n’est pas une agres­sion mais au con­traire une con­tri­bu­tion impor­tante à la con­struc­tion d’une société, d’une com­mu­nauté. Nous ne sommes pas d’accord mais nous dis­cu­tons et nous œuvrons ensem­ble : voilà un proces­sus démoc­ra­tique. Sinon, si ceux qui sont les plus forts déci­dent pour ceux sur lesquels ils ont autorité, ça s’appelle au mieux une auto­cratie, au pire une dictature.

6000 Chal­len­sois­es et Chal­len­sois, ça ne fait pas 6000 opin­ions dif­férentes mais ça mul­ti­plie les points de vue, les visions, les convictions.

Il y a, par exem­ple, celles et ceux qui veu­lent plus de maisons, plus de béton, plus de goudron, con­va­in­cus que le développe­ment d’Echallens passe par la den­si­fi­ca­tion de l’agglomération. Il y a celles et ceux qui, au con­traire, veu­lent plus d’arbres, plus de sur­faces végé­tales, per­suadés que la crois­sance n’est pas ou plus une solu­tion amenant au bien vivre. Il y a aus­si celles et ceux qui veu­lent les deux : vivre à la cam­pagne tout en étant en ville. Il y a les con­va­in­cus de la mobil­ité douce et les par­ti­sans de la voiture. Il y a des libéraux, des social­istes, des végé­tariens, des carnivores…

Qui peut dire qui a tort ou qui a rai­son ? Ce serait, à mon avis, très pré­ten­tieux. Mais atten­tion, cela n’empêche pas les con­vic­tions, les engage­ments, la pas­sion des idées et des actions. Parce que le pire, c’est de vivre sans croire à rien.

Mais admet­tons que d’autres ne pensent pas comme nous, ne croient pas aux mêmes choses que nous. Batail­lons pour nos idées mais respec­tons celles des autres. Voilà encore une déf­i­ni­tion pos­si­ble de la démocratie.

Echal­lens change, il serait absurde de le nier. Mais quel sera le résul­tat de cette muta­tion ? Ça, ça reste à définir, et tous les Chal­len­sois et toutes les Chal­len­sois­es ont leur mot à dire.

Et il y en a un qui ne s’est jamais privé de le dire, son mot, un Chal­len­sois dont une place et une école por­tent ici le nom, Emile Gar­daz. Celles et ceux qui se sou­vi­en­nent du ter­rain de foot en pente savent de qui je par­le. Pour les autres : Emile est né en 1931 à Echal­lens et mort en 2007 à Lau­sanne ; c’était un écrivain, un paroli­er, un ani­ma­teur de radio dont l’accent était bien de chez nous. En 1977, il a pub­lié un petit livre, Le pays d’Echallens. Il y écrit notam­ment, je cite : «Nos vil­lages ne vivent plus à l’heure de l’angélus de Mil­let. L’orchestre en vogue dyna­mite le planch­er et tru­cide les araignées du Bat­toir. Les nymphes des champs pour­raient en remon­tr­er à celles de la ville quand les robes nou­velles sont éclos­es avec le print­emps. Les vis­ages et les fer­mes font peau neuve. L’immeuble locatif sort de terre, à tort et à tra­vers. D’affreux silos verdâtres exhibent un emblème qui rompt le dessin des maisons et met du rouge aux joues des vierges. Un entre­pôt a brouté les pâquerettes. Une vil­la de nou­veau riche pousse dans le champ d’un ancien pau­vre. Pour­tant, les vil­lages résis­teront à la marée de la pseu­do-civil­i­sa­tion. La mau­vaise herbe nous vengera et l’ortie ne renonce pas à son pais­i­ble ter­ror­isme. Parce que nos vil­lages ont un cœur qui ne cesse de bat­tre, même si la fontaine doit se taire et laiss­er la place au parking.»

Emile Gar­daz avait rai­son, nos vil­lages ont un cœur.

Le cœur d’Echallens, c’est celui de ses habi­tants et de ses habi­tantes. Ces cœurs qui bat­tent ensem­ble, les vôtres, le mien. Nous n’avons pas tous les mêmes orig­ines, la même cul­ture, les mêmes idées ni les mêmes pro­jets, mais nous sommes d’Echallens. C’est une iden­tité. Qu’Echallens reste un bourg ou devi­enne une ville, il y aura tou­jours un cœur qui bat ici. Parta­geons-en les bat­te­ments, regar­dons-nous avec con­sid­éra­tion, dis­ons-nous bon­jour lorsqu’on se croise dans la rue ou ailleurs, comme les Chal­len­sois le font depuis toujours.

Oui, Echal­lens a un cœur, fait des nôtres qui bat­tent l’amble.  

Bonne Fête nationale à toutes et à tous !

Vive Echal­lens, ses habi­tants et ses habi­tantes ! Vive le Gros-de-Vaud, vive la Suisse ! Vive la démocratie !

Echallens Autrement